Un souvenir d’enfance..
Je n’avais pas plus de huit ans lorsque le mariage de ma tante fut organisé. Je n’en ai qu’un vague souvenir; pourtant, quelques scènes resteront clairement ancrées dans ma mémoire pour toujours.
Ce n’était qu’une sorte de fête ou de célébration en famille dans la maison de ma grand-mère dont je me souviens si bien, et que j’aimais si fort. La musique, trop forte à mon goût, se mêlaient aux voix des invités, no celles des femmes. D’ailleurs, je ne les aimais pas, ces femmes. Elles me faisaient des « bisous mouillés », des remarques que je ne comprenais jamais, et elles avaient des voix terriblement aiguës qu’elles utilisaient pour se raconter quelques futilités dont je ne me souciais point, mais qui me faisaient constamment mal à la tête. Elles criaient, gloussaient, gesticulaient dans leurs caftans colorés qui traînaient par terre. Je les voyais en train de faire remarquer avec orgueil leurs bijoux ou leurs chaussures, tandis que l’une flattait hypocritement la beauté de l’autre.
Échappant aux bousculades et attirée par l’odeur des pâtisseries, je me faufilai vers la cuisine, où je trouvai ma mère désespérée tenant ma sœur dans ses bras qui, n’étant encore qu’un nourrisson, pleurait incessamment à fendre l’âme; mais surtout mes oreilles, sans raison. C’est alors que mon père surgit je ne sais d’où et me tendit mes toutes premières lunettes de vue. Mais je n’eus guère l’occasion d’en profiter. Je fus prise d’un tournis, suivis d’une migraine qui m’obligèrent à m’asseoir. Je me sentais délaissée et fatiguée. Ma mère ne se souciait pas de moi pour l’instant; elle faisait des va-et-vient interminables qui me firent tourner la tête encore plus. Mon père était sorti avec ma sœur pour la calmer. Ma tante et son mari, quant à eux, étaient évidemment le centre d’attention.
Dans ma tête, le bruit ne cessait d’augmenter. Jusqu’à ce que ma grand-mère, ma chère grand-mère, mon héroïne, vint me porter pour m’emmener dans sa chambre en me parlant tout bas. Elle avait remarqué mes paupières à demi-closes et mon air exténué. Elle m’enlaça, déposa un délicat baiser sur mon front, éteignit la lumière et disparut derrière la porte qu’elle prit soin de fermer.
Ce fut une délivrance… Le calme, enfin!
Je fermai doucement les yeux, et sombrai dans un profond sommeil dont je ne sortis que le lendemain.